La pratique du breton de l'Ancien Régime à nos jours
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La thèse de Fañch Broudic en accès libre
Vers la Grande Guerre : tout le monde parle breton
De 1870 à 1914, la Bretagne connaît une série de transformations qui vont avoir une incidence considérable, non seulement sur la vie quotidienne des personnes concernées, mais de manière générale sur le fonctionnement de la société. Les lois rendant l'école primaire laïque, gratuite et obligatoire, par exemple, n'ont pas eu des effets que pour les enfants. La Bretagne comble alors une grande partie de son retard : de 1878 à 1906, le taux de scolarisation passe de 66 à 89 %, et le pourcentage d'analphabètes parmi les conscrits chute de 30 à 3[1] %.
Le chemin de fer est arrivé en Bretagne sous le Second Empire. À partir de 1890, la région se couvre de tout un réseau, à écartement normal ou à voie étroite, formant une véritable toile d'araignée. Ce développement du chemin de fer a favorisé les mouvements de population. La Bretagne reste sous-urbanisée, mais de 1876 à 1911, les villes gagnent 260 000 habitants grâce à l'émigration rurale, bien qu'elles ne rassemblent toujours que le quart de la population (26 % contre 44 % en moyenne française[2]). Les déplacements de population ne sont pas seulement internes : alors que le bilan démographique naturel est largement positif (un excédent de 657 000 naissances), de 1872 à 1911 le solde migratoire est tout à fait négatif, la Bretagne perdant alors 332 000 habitants en l'espace de 40 ans.
Une émigration bretonnante
Les départs se font vers la capitale, les ports tels que Le Havre et La Rochelle, mais commencent aussi, depuis le secteur de Gourin - Le Faouët en particulier, vers les États-Unis et le Canada. Ce sont les catégories les plus démunies, d'origine paysanne en général, qui vont ainsi rejoindre le prolétariat des grandes villes. C'est que la Bretagne est alors un pays jeune (41 % de moins de 20 ans au début du XXe siècle), qui atteint en 1911 – malgré l'émigration - une population maximale de 3 272 000 habitants sur les cinq départements, près de 1 500 000 en Basse-Bretagne — chiffres qu'elle n'atteindra à nouveau que trois quarts de siècle plus tard.
Les paysans pauvres qui alimentent l'émigration ne savent en partant que le breton. Véritables travailleurs immigrés là où ils s'installent (Paris, Granville, Angers, mais aussi Rennes ou Nantes), ils sont l'objet de la sollicitude du clergé local, tant et si bien que l'Évêque de Quimper reçoit régulièrement des demandes « à l'effet d'obtenir l'envoi de prêtres bas bretons susceptibles d'exercer leur ministère comme aumôniers de leurs “pauvres” compatriotes[3] ». Le Professeur Le Gallo en a collecté de nombreux témoignages :
• en 1854, 1 500 Bretons travaillent au port de Granville : « aucun prêtre du diocèse de Coutances ne pouvant parler ou entendre le bas breton (on ne peut leur) donner les secours religieux dont ils ont un grand besoin ». En 1861, sept ans plus tard, la connaissance du français a progressé, mais ne s'est pas généralisée : « plusieurs d'entre nous savent déjà la langue (française), mais nous avons une grande quantité de personnes âgées qui sont privées des grâces divines (…) Je gémis de voir ma femme et bien d'autres comme elle privées par leur ignorance à ne pouvoir approcher au temps pascal comme les autres années ».
• en 1860, l'Évêque d'Angers se félicite de la nomination d'un vicaire breton à Trélazé : 70 ouvriers quittent chaque année la commune de Pleyben, en direction des ardoisières de cette région[4].
• en 1862, l'Archevêque de Rouen signale qu'« il y a au Havre une colonie de Bretons très nombreux (…) L'expérience a prouvé que nos prêtres normands ne suffisent pas pour satisfaire aux besoins spirituels de cette population qui, la plupart du temps, ne comprend pas leur langue ».
• en 1862 toujours, c'est l'Évêque de Nantes qui demande « un service en faveur des pauvres Bretons qui habitent la ville de Nantes et les environs. Les Bretons qui sont employés en assez grand nombre dans les usines et les ateliers perdraient bien facilement la pratique des habitudes religieuses, si nous ne prenions pas soin de leur faire donner, au moins tous les deux ans, une retraite spéciale pour eux par un prêtre parlant la langue bretonne ».
• en 1870, selon le secrétaire de l'Évêque, « la ville de Saint-Nazaire a une population bretonne assez considérable. L'absence de prêtres parlant cet idiome expose ces braves gens au danger de perdre leurs habitudes religieuses… »
Paul Sébillot pour sa part ne s'était pas contenté en 1886 d'établir le tracé de la frontière linguistique ni d'esquisser une estimation de la population bretonnante de Basse-Bretagne[5]. Il s'était également efforcé de retrouver les bretonnants de l'émigration : « sans doute au début, ils ont l'intention de revenir au pays, mais diverses circonstances les en éloignent parfois, et les font rester à l'endroit où les hasards de la vie les ont portés. Il est toutefois intéressant de constater que partout où les Bretons sont quelque peu nombreux, on les voit se grouper les uns à côté des autres, dans un quartier spécial ou autour d'une église où la prédication se fait en langue celtique. On peut vérifier ce fait dans la plupart des grandes villes où les Bretons sont employés comme ouvriers ou comme manœuvres (...) ».
Suit une énumération des « colonies bretonnes », c'est-à-dire des endroits où l'on peut repérer des « Bretons », et il est intéressant de noter à cet égard que Sébillot emploie les termes « Breton » et « bretonnant » comme synonymes, ce qui voudrait dire que n'étaient considérés comme réellement « Bretons » que les Bretons « bretonnants » de Basse-Bretagne. L'énumération de Sébillot est une sorte de tableau de l'émigration bretonne à la fin du XIXe siècle :
• Saint-Brieuc : « il y a à la chapelle Saint-Guillaume une retraite de trois jours à l'usage (des Bretons qui y ont élu domicile), où on leur fait des instructions en breton. »
• Rennes : « il n'y a pas de prêtre breton ; presque tous les bretonnants qui habitent Rennes comprennent et parlent le français. »
• Pont-Péan, en Ille-et-Vilaine
• Nantes : à la paroisse Saint-Anne, « on entend souvent le breton de Quimper. Un des vicaires de cette paroisse est toujours breton. » Dans le quartier de Barbin, près de l'Erdre, « on prêche en breton à la chapelle de la Retraite. » « Lors des élections municipales dernières, une grande affiche, en breton, invitait les électeurs à voter pour certains candidats ; il en a été de même aux élections du 4 octobre. »
• À Saint-Nazaire « existe aussi une colonie bretonnante (...) on peut dire qu'ils sont plusieurs centaines. Aux élections du 4 octobre, les murs de Saint-Nazaire étaient couverts d'affiches électorales en breton. »
• À Trélazé, « les bretons bretonnants sont au nombre de 2 400 environ ; plus de la moitié sont originaires du Finistère, un peu plus d'un quart des Côtes-du-Nord, le reste, soit un peu moins d'un quart, du Morbihan (...) Les quatre dialectes bretons sont parlés par les émigrés bretons, qui ont conservé leur langue, leurs usages, leurs costumes (...) Depuis cinq ans, il y a un vicaire breton à Trélazé ; tous les dimanches, à la messe de neuf heures, une instruction en breton, accompagnée de prières et de cantiques dans la même langue, est faite à l'intention des ouvriers bretonnants. Un médecin breton du Finistère s'occupe aussi des malades et des blessés des carrières. » On se préoccupait donc aussi bien de leur santé physique que de leur santé spirituelle.
• Angers : « la paroisse de la Magdeleine d'Angers a été en 1885 pourvue d'un vicaire breton qui desservira au spirituel les bretonnants qui habitent Angers. »
• Au Havre, et vers Harfleur, « les Bretons bretonnants, qui y sont assez nombreux, ont une chapelle particulière où un prêtre leur fait des sermons en breton (...) » Ils « viennent fort rarement en ville, sauf le dimanche, où ils se promènent par bandes de quatre ou cinq personnes dont une seule souvent sait à la fois le français et le breton. » Dans le quartier Saint-François « se trouve la chapelle qui leur est réservée et que dessert, depuis quelques années seulement, un ecclésiastique breton. »
• Granville
• « À Paris même on trouve plusieurs colonies bretonnes. M. du Cleuziou m'a affirmé avoir vu il y a quelques années sur le portail de l'église Saint-Paul–Saint-Louis, rue Saint-Antoine, l'annonce en breton de prédications et de confessions à l'usage des Bretons bretonnants de ce quartier. Cette église a toujours un prêtre breton. Il en est de même de l'église de Vaugirard. »
• Saint-Denis.
Ces Bretons de l'extérieur font généralement partie des classes travailleuses et laborieuses : ouvriers, domestiques et mendiants à Saint-Brieuc ; employés des chemins de fer, des scieries, de l'industrie de la galoche et des sabots à Rennes ; mineurs à Pont-Péan et à Trélazé ; ouvriers lors de la construction des bassins à Saint-Nazaire, devenus par la suite déchargeurs de charbon ou manœuvres ; manœuvres dans les raffineries et les usines, au Havre. P. Sébillot évalue ainsi les bretonnants des « colonies », d'une part à 15 600 en pays gallo, d'autre part à 18 400 dans les autres pays de France.
Il s'est enfin « adressé à plusieurs évêchés bretons et aussi aux prêtres du Canada pour savoir s'il existait, en dehors de l'Europe, des groupes bretonnants : la réponse a été négative. On peut considérer, écrit-il, que les Bretons, en dehors de la France, ne sont pas en assez grand nombre pour former des colonies et se grouper autour d'une église, comme l'ont fait les Gallois ».
Des transformations politiques et sociales aussi
Cependant, si émigration il y a, c'est que la Bretagne reste un pays faiblement industrialisé : moins du quart de ses habitants travaillent dans l'industrie. Les villes de la région ne progressent pas davantage, car « à l'époque où s'achève la première révolution industrielle, il est patent que la Bretagne, ce pays du fer et de la toile, n'est pas parvenue à se donner une industrie métallurgique et une industrie textile aux dimensions de l'époque[6] ». En Basse-Bretagne, les seuls grands établissements industriels sont toujours les arsenaux de Brest et Lorient, et, depuis peu, les Forges d'Hennebont. Dans le secteur maritime, les ports de la côte atlantique bénéficient vaille que vaille de la prospérité sardinière jusqu'en 1902, et souffrent ensuite très durement de la crise qui se prolongera jusqu'à la guerre. Mais la Bretagne reste à ce moment une région à forte prédominance de l'agriculture. Du moins mène-t-elle alors sa première révolution agricole : recul des friches en Basse-Bretagne, amélioration des sols rendue possible par la création des chemins de fer locaux qui transportent partout les amendements calcaires… Un nombre croissant de paysans accède à la propriété : 39 % des cultivateurs étaient propriétaires en 1862, 48 % le sont en 1892[7].
Ces différentes transformations économiques en amènent d'autres sur le plan social. Le syndicalisme ouvrier s'implante dans les villes, provoquant grèves et émeutes à Brest, Lorient, Hennebont, de 1903 à 1905. Le syndicalisme agricole se structure à l'occasion de son congrès de Landerneau, en 1912. Mais alors que le premier évolue vers le socialisme, le second eut « pour origine le désir des élites conservatrices de contrôler les contacts entre la paysannerie d'une part, l'État et les villes de l'autre, et de préserver l'ordre social » à l'intérieur même du monde rural[8]. Les deux blocs, rural et urbain, s'ignorent : « tout ou presque tout ce qui est ouvrier à Brest est socialiste, mais rien de ce qui est rural ne subit l'action révolutionnaire[9] ».
L'avènement de la IIIe République avait été précédé de l'épisode, dramatique, du camp de Conlie, et par la Commune, qui ne concerne la Bretagne que par la tentative des ouvriers brestois de s'emparer de l'Hôtel de Ville et par le séjour provisoire à Brest, Lorient ou Belle-Île des déportés en route pour Nouméa. Si, aux élections de 1871, la France avait voté à l'image de la Bretagne, peut-être la proclamation de la République n'aurait-elle jamais eu lieu : les Bretons choisissent des députés royalistes et légitimistes, à une écrasante majorité. Les députés bretons se prononcent aussi, à une majorité des deux tiers ou des trois quarts, en 1882, contre l'école obligatoire et laïque, et en 1905, contre la séparation de l'Église et de l'État[10].
C'est André Siegfried qui l'observe : seule, la Bretagne ne serait pas facilement devenue ni démocrate ni républicaine[11]. Elle reste un bastion conservateur, et la noblesse, qui défend la religion catholique face à l'anticléricalisme républicain, conserve une position dominante dans la vie politique : 23 députés sur 45 en 1885 et, en 1909, 216 maires sur 500, 67 conseillers généraux sur 216[12]. La gauche — modérée — ne progresse aux élections qu'en dehors des années de crise. Mais, après le ralliement de 1892, le clergé léonard, en faisant élire un abbé démocrate face au candidat de l'évêché, se veut à la fois catholique et républicain. Au sein du bloc urbain, Brest se donne en 1905 la première municipalité - et, en 1910, le premier député - socialiste de Bretagne, ce que Siegfried commente en écrivant que « la conquête de l'arsenal de Brest par le socialisme est non seulement un grand fait brestois, mais un grand fait breton[13] ».
Qu'en est-il, à ce moment, du mouvement régionaliste ? Siegfried, qui écrivait en 1913, en donne la mesure :
« ce qui existe depuis quelques années, c'est un mouvement de renaissance celtique : mais n'ignorons pas qu'il est surtout littéraire et confiné dans les milieux artistiques, intellectuels ou mondains. Je vois aussi dans l'Union Régionaliste Bretonne une tendance provincialiste et anticentralisatrice marquée ; mais je dois noter qu'elle est inspirée principalement par des groupements de petite noblesse locale, dont tous les intérêts de classe vont dans le sens d'une résistance aux influences françaises. L'opinion du peuple, pris dans son ensemble, n'est nullement au contraire, en faveur d'un relâchement des liens avec la France. Je ne parle pas naturellement de l'idée d'une séparation politique, qui n'existe pas ; mais la conception même d'un home-rule breton me semble absolument étrangère aux préoccupations de la masse : j'ai pu parcourir toute la péninsule jusqu'en ses recoins perdus sans jamais en entendre parler[14] ».
On ne peut mieux dire que l'audience des mouvements d'inspiration bretonne reste très limitée.
Avant 1898, on ne peut noter que la résurrection de l'« Association bretonne », que Napoléon III, la soupçonnant d'être légitimiste, avait interdite en 1859. Cette année-là se crée l'« Union Régionaliste Bretonne/Kevredigez Broadus Breiz », avec l'idée d'assurer « le Relèvement de la Patrie Bretonne ». À cet effet, l'URB espère naïvement faire comprendre aux « classes dites : dirigeantes » qu'il est de leur « devoir » de parler breton. En affichant ses buts, elle proclame un nationalisme de façade et se situe nettement dans le camp conservateur et, quoi qu'elle dise, clérical :
« 1) travailler sans cesse au maintien et à la diffusion de la langue bretonne, qui est l'expression la plus vraie et la plus vivante de sa force et de sa nationalité (…)
2) la diffusion et la mise en l'honneur des costumes nationaux qui sont demeurés le charme et l'honneur de notre pays (…)
3) l'URB ne fait pas plus de religion qu'elle ne fait de politique. Mais elle ne veut et ne comprend que la Bretagne intégrale, c'est-à-dire qu'elle ne pourrait comprendre une Bretagne sans les manifestations de sa foi ancestrale, sans ses fêtes diverses, sans ses pardons, sans ses clochers à jour[15] (…) ».
Les années suivantes voient l'éclosion de divers autres mouvements et associations, dont le « Bleun-Brug » de l'abbé Perrot en 1905[16]. Mais ce qui caractérise surtout cette période c'est la parution d'un nombre non négligeable de nouveaux périodiques rédigés totalement en breton, ou bilingues. En 1912-1914, selon nos comptages, il y en a 10 du premier groupe[17]. Tous ont une périodicité au moins mensuelle, à l'exception de « Kroaz ar Vretoned », supplément à « La Croix des Côtes-du-Nord », que F. Vallée fait paraître de 1898 à 1920 sous forme d'hebdomadaire. Il n'en est aucun qui ne soit catholique ou sous l'influence directe du clergé.
Il convient de leur ajouter 24 titres (11 hebdomadaires, 8 mensuels ou bimestriels, 4 annuels) que l'on qualifiera de « bilingues », bien que la proportion de breton qu'on pouvait y lire ait été très variable : cela allait du simple feuilleton ou d'un seul article à la page entière… En réalité, seul l'hebdomadaire catholique « Le Courrier du Finistère » accorde une place importante aux textes en breton. Par ailleurs, le seul dont la tonalité diffère réellement est le petit mensuel « Brug/Bruyères », que le socialiste libertaire Émile Masson lance en janvier 1913, et qui se positionne sans ambiguïté dans le camp du progrès[18].
Le lancement de ces périodiques en langue bretonne ou de conviction bretonne — ce n'est pas toujours la même chose[19] — entre 1898 et 1914, coïncide avec celui d'un certain nombre de nouveaux périodiques rédigés en français. Dans le seul département du Finistère, nous avons pu comptabiliser, toujours pour la période 1912-14, 18 titres d'hebdomadaires, dont plusieurs avaient déjà été créés dans les années 1880. Quand elle se lance, au tournant du siècle, la presse de langue bretonne accuse donc déjà un certain retard par rapport à la presse locale d'expression française. À la veille de la Première Guerre mondiale, elle se trouve aussi en position de moindre diffusion.
J. Le Dû et Y. Le Berre ont, pour leur part, évalué la production éditoriale en breton au cours de la période 1870-1914. Après les années fastes de la fin du Second Empire, ils observent « un reflux considérable » au cours des premières décennies de la IIIe République. C'est seulement pour la période 1899-1913 que l'on peut faire état d'« un regain spectaculaire de l'édition bretonne. Alors qu'il se publiait bon an mal an au XIXe siècle un livre breton à peu près tous les deux mois, la fréquence moyenne passe au cours de ces quinze années à deux titres par mois, soit quatre fois plus[20] ». La littérature d'inspiration religieuse garde une grande importance, les protestants, qui cherchent à s'implanter en Basse-Bretagne, essayant de concurrencer les catholiques sur leur terrain. La période se caractérise toutefois par un véritable essor de la littérature profane, que ce soit sous forme de poésie, de prose ou d'ouvrages de vulgarisation agricole. Par ailleurs, une trentaine de troupes de théâtre, surtout dans le Léon et le Vannetais, tirent parti de quelque 200 pièces qui furent alors publiées en breton.
Comment expliquer un usage si important du breton au niveau des pratiques culturelles ? La première explication ne peut que se référer au niveau de pratique de la langue elle-même : si diffusion culturelle il y a, c'est qu'une demande sociale s'exprime en ce sens. Mais les notations d'auteurs que l'on peut relever à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe, concernant l'utilisation de la langue bretonne, sont incomparablement moins nombreuses qu'elles ne l'étaient pour la période 1800-1870. Les Michelet, Mérimée, Flaubert et Stendhal s'appellent désormais Heredia, Gide ou Proust. Le poète séjourne plus d'une dizaine de fois en Bretagne, de 1863 à 1875, puis de 1891 à 1895, Proust y vient en 1895, et Gide pour la première fois en 1899. Ces voyageurs sont sensibles aux paysages, à la nature, à bien d'autres choses encore[21], mais ils n'ont plus les mêmes étonnements sociolinguistiques que leurs prédécesseurs.
André Suarès, dans « Le livre de l'émeraude[22] », émaille son récit de quelques expressions bretonnes, et fournit quelques annotations, alors qu'il voyage par le train : « dans une petite gare, on ne parla plus français, et j'entendis la langue dure dont l'accent chante[23] ». Il observe des différences de pratiques linguistiques, en fonction des générations : « ils (les vieillards) voient tout changer autour d'eux. Plus d'un, qui ne parlent que le breton, a des neveux qui ne savent que le français[24] ». À propos d'un autre vieillard, il raconte qu'« il ne parlait pas le français, quoiqu'il l'entendît. Mais comme il ne le savait pas assez bien, il ne s'en servait pas, pour ne point balbutier[25] ». De Pont-L'Abbé, il écrit qu'« on peut, ici, ne pas entendre un mot de français, si l'on veut[26]… »
Les peintres envahissent Pont-Aven ou d'autres lieux, et la langue bretonne n'est pas non plus, semble-t-il, leur préoccupation majeure. Eugène Boudin, d'origine normande, marié à Marie-Anne Guédès, s'entretient avec une fillette, au hameau de Kerohant, à Hanvec : « si ta mère ne t'envoie pas à l'école, tu ne sauras jamais parler français ? Eh bien, j'irai à la ville, et j'apprendrai ». Le 15 août 1867, le peintre et sa femme sont au pardon de Rumengol : « entremêlant latin et breton sur un rythme qui tient de la plainte et du plain-chant, ils vous récitent un pater noster et vous appellent (…) Je n'essaierai pas de traduire cette harangue à jet continu qui va leur procurer une soif ardente[27]… »
Le sentiment de honte
Les notations concernant le breton ne sont donc pas très abondantes[28]. Tous ces gens de passage entendent-ils désormais assez de français au cours de leurs déplacements ? C'est en tout cas le sentiment d'un économiste, Henri Baudrillart, qui effectue une enquête en Bretagne en 1885 à la demande de l'Académie des Sciences morales et politiques, comme l'avaient fait avant lui Villermé et Benoiston de Châteauneuf. Il en publie les résultats — le texte, écrit F. Elégoet, frappe « par sa qualité et sa rigueur » — sous le titre : « les populations agricoles de la France. Normandie et Bretagne. Passé et présent[29] ».
Reprenant à son compte la thèse officielle selon laquelle la langue bretonne fait obstacle à la propagation des idées nouvelles et aux progrès de l'instruction primaire, il poursuit :
« cet obstacle n'a pas, il s'en faut, disparu. Le contact avec les étrangers, comme on a longtemps appelé les Français, a fait pénétrer notre langue dans nombre de localités, mais non dans la plupart suffisamment pour se substituer à l'ancien idiome, ou prendre partout place avec lui dans l'usage (…). En réalité, les Bretons qui dans les campagnes parlent le français augmentent en nombre graduellement, et l'on peut ajouter qu'ils ne s'en acquittent pas mal. On les comprend facilement, et ils sont loin d'avoir un accent aussi désagréable que beaucoup d'autres populations, malgré quelques intonations gutturales caractéristiques, dont ils ont de la peine à se défaire ».
Selon le témoignage de Baudrillart, la pénétration du français dans les campagnes de Basse-Bretagne est donc, en 1885, une réalité : on y rencontre facilement des personnes qui sont à même de s'exprimer en français. Mais le français est loin d'avoir réussi à se « substituer » au breton, et n'apparaît même pas comme la langue d'usage : d'après lui, il ne fait pas, sur ce point, concurrence au breton. La connaissance du français a pourtant à ce point progressé que l'enquêteur peut noter plus qu'un sentiment de gêne chez ceux qui ne le savent pas :
« un signe certain de ce progrès du français dans les campagnes situées près des villes, c'est le sentiment de honte que commencent à éprouver ceux qui ne le parlent pas. Nous en avons été frappés dans une ferme près de Quimper, où, seul, un homme de trente-cinq ans environ ne savait pas s'exprimer en langue française, tandis que sa femme et ses enfants soutenaient facilement la conversation. Comme nous en demandions la raison, il nous répondit en breton » qu'il était le seul sot de la famille » ». Et l'enquêteur d'ajouter en commentaire : « quand une population en est là, on peut dire que les derniers pas à faire seront bientôt franchis ».
C'est probablement l'une des toutes premières mentions contemporaines de la honte de parler breton, que F. Elégoet analyse en termes d'« identité négative[30] ». On prêtera cependant attention à la précision de Baudrillart : c'est « près des villes » que prend naissance ce sentiment de honte de leur langue chez les bretonnants. Autrement dit, les villes sont francophones, les campagnes ne le sont pas. Autrement dit encore, la honte traduit un manque d'assurance, un sentiment d'infériorité et de culpabilité par rapport à ce qui est ressenti comme devenant désormais la norme et qui consiste alors à pouvoir s'exprimer en français quand il le faut.
Il en est d'autres que la langue bretonne fait enrager. Yves Le Febvre était agacé, souhaitait même sa disparition prochaine : le directeur de « La Pensée bretonne » admettait l'utilisation de la langue bretonne dans une perspective de « propagande ou d’amusement populaire », mais considérait qu'elle « ne correspond plus aux nécessités historiques, aux besoins profonds de notre race, et il est inutile de vouloir la perpétuer pour des raisons de sentiment et d’art[31] ». La position d'Antoine Bott, l'animateur de la revue mensuelle « La Bretagne Nouvelle » était encore plus radicale : il était tout simplement prêt à supprimer leurs droits civiques aux conscrits bretonnants. Au moment de l'adoption des lois scolaires des années 1880, il aurait fallu, écrit-il en 1903, y inclure un article selon lequel, « tous ceux qui, vingt ans après cette promulgation, arriveraient au régiment sans savoir lire et écrire (le français), feraient trois mois de supplément de service militaire et ne seraient pas inscrits sur les listes électorales[32] ». Emile Combes se contentera de supprimer quelques traitements d'ecclésiastiques.
C'est justement au moment où il préside aux destinées du gouvernement que s'effectue la plus vaste enquête sociolinguistique qui ait jamais été faite sur la pratique du breton[33]. Déjà, Sébillot avait publié en 1886 — avec les approximations que nous savons ! – une estimation dont on peut déduire que la population de la Basse-Bretagne se répartissait par moitié entre monolingues et bilingues. S'il ne semble avoir effectué lui-même aucune enquête de terrain, il reproduit cependant les observations qui lui ont été transmises par quelques correspondants :
- ainsi, François Luzel, à l'époque conservateur du Musée archéologique de Quimper évalue-t-il à huit ou neuf sur dix les personnes qui, dans les villes du Finistère, comprennent le français.
- de même, Alphonse Mauricet, dans le Morbihan, considère que la moitié de la population des villes (Vannes, Lorient, Auray, Hennebont, Locminé) sait le breton et le français. Toujours selon le même informateur, dans le Morbihan, « 4 sur 5 des personnes âgées de 20 ans et au-dessous savent le français. »
- de Lorient, il est dit en outre qu’« elle figure en pays bretonnant, quoique en réalité la partie intra-muros, peuplée de 24 000 habitants environ, soit une enclave presque entièrement française. »
- concernant le Finistère enfin, Sébillot se contente de préciser qu'il n'y a dans ce département « aucune commune où l'on se serve exclusivement de la langue française, pas même Brest, quoique dans presque toute la partie de la ville située sur la rive gauche de la Penfeld, et qui est la vraie ville, on ne parle guère que le français; à Recouvrance, le faubourg de la rive droite, il y a beaucoup de familles qui, entre elles, ne se servent que du breton[34]».
- Sébillot avait enfin consacré quelques lignes à « l’enclave bretonne de la presqu’île de Batz (Loire-Inférieure) séparée des autres pays bretonnants par une bande française de plus de 35 kilomètres d'épaisseur », et dont, selon une enquête effectuée sur le terrain par M. Bureau[35], 1 320 habitants parlaient le breton. En dix ans, le nombre de ceux d'entre eux pour lesquels le breton était langue maternelle était passé de 400 à 200.
Mais revenons aux conclusions principales auxquelles nous ont conduit les observations et les pointages effectués aussi bien par le clergé que par l'administration en 1902 :
• une pratique du breton massive et généralisée en secteur rural. Les ruraux ne méconnaissent pourtant pas la langue nationale : la moitié la comprend, le quart peut la parler. Mais ils n'en ont l'usage qu'occasionnellement.
• une forte présence du français en ville, mais une proportion non négligeable de la population urbaine sait le breton.
• au total, les trois quarts de la population savent le breton et s'expriment usuellement en breton.
• il n'y a pas, par ailleurs, de différence, au niveau des pratiques linguistiques, entre les jeunes générations et celles de leurs parents. Mais la connaissance du français progresse : alors que, parmi les adultes un quart est bilingue[36], parmi les enfants les deux tiers le sont.
La projection réalisée par J. Le Dû et Y. Le Berre est à cet égard tout à fait éclairante : « les enfants scolarisés à 7 ans en 1884 entrent dans la vie professionnelle avant 1894 (17 ans) ; ils sont mariés en 1904 (27 ans) ; pères et mères de famille en 1914 (37 ans). Arrivés à la quarantaine en 1918, ils forment l'essentiel de la population active[37] ». Les deux celtisants qualifient la mutation qui s'opère ainsi en l'espace d'une trentaine d'années d'un terme tout à fait approprié : il s'agit, écrivent-ils, d'une « véritable révolution linguistique[38] ».
Il est certain que c'est à ce moment-là – au cours des deux premières décennies du XXe siècle - que s'effectue le premier grand changement intervenu en Basse-Bretagne dans la pratique du breton. Au tournant du siècle, la plus grande partie de la population continue à s'exprimer usuellement en breton, et dans la pratique courante elle apparaît toujours comme monolingue. Un Inspecteur des Côtes-du-Nord, Constant, le confirme :
« dans l'arrondissement de Lannion, tout le monde parle breton. À leur arrivée à l'école, les enfants n'ont entendu que cet idiome. En dehors des heures de classe, dans leur famille, ils n'en entendent pas d'autre. L'école seule doit leur enseigner le français ; à l'école seule incombe le soin de les habituer à se servir couramment de la langue nationale[39]. »
On ne peut mieux dire qu'en 1900, le breton reste la langue d'usage pour la quasi-totalité de la population, et que le français étant une langue apprise ne sert pas dans la vie quotidienne. Mais la langue nationale bénéficie de progrès décisifs, et bientôt la moitié des Bas-Bretons saura suffisamment de français pour s'exprimer en cette langue. Le breton conserve toujours une position dominante au niveau des usages, mais la Basse-Bretagne devient tout doucement une région de bilinguisme. 14-18 va accélérer brutalement ce processus : cette guerre, ainsi que l'écrit Pierre-Jakez Hélias dans « Le Cheval d'orgueil », « a changé bien des choses[40]… » Le clergé de Lorient s'est mis à la prédication en français à compter du début de la guerre.
Sur le front
La Bretagne est éloignée du front, mais elle vit pendant quatre ans au rythme de la guerre. Déjà, une loi de 1913 – contre laquelle s'étaient élevés plusieurs articles en breton de la revue « Brug » - avait porté la durée du service militaire de deux à trois ans. Les Bretons sont marins : « les quatre cinquièmes de la maistrance étaient bretons, et presque tous de Basse-Bretagne[41]. » Mais ils sont aussi fantassins : sur le front, ils sont généralement présents en première ligne. Au total, la région fournit 318 000 mobilisés, et c'est la nouveauté de la période : pendant quatre ans, ce sont tous les jeunes gens valides en âge d'être incorporés qui, confrontés à la guerre, sont impliqués dans un nouveau type de relation avec l'extérieur. Beaucoup n'en reviendront pas : les estimations les plus courantes font état de 120 000 à 150 000 tués pour les cinq départements[42]. Pour la partie bretonnante des Côtes-du-Nord, on peut, à partir des réponses fournies par les recteurs de 171 paroisses au questionnaire de visite pastorale de 1936-39, en arrêter le chiffre à 1 738[43].
Au front, les Bas-Bretons continuent de s'exprimer en leur langue. Marc Bloch porte sur eux un regard extérieur : « les hommes de l'intérieur des terres nous parurent de bien médiocres guerriers. Vieillis avant l'âge, ils semblent déprimés par la misère et l'alcool. Leur ignorance de la langue ajoutait encore à leur abrutissement. Pour comble de malheur, le recrutement les avait pris aux quatre coins de la Bretagne, si bien que chacun parlait un dialecte différent, ceux d'entre eux qui savaient un peu de français ne pouvaient que rarement servir d'interprètes auprès des autres[44]. » La guerre réunit des soldats de diverses origines géographiques, et si des Bretons ont pu se trouver gênés de ne pas savoir le français, l'inverse s'est également produit, ainsi que le rapporte S. Audouin-Rouzeau, d'après le journal « L'Echo du boqueteau » de juin 1918. Des Provençaux viennent d'être versés dans un régiment de Bretons :
« nous sommes au 19e. C'est un fait. Et nous n'avons pas à discuter si nous préférerions être tombés dans un régiment de Marseillais, de Limousins ou de » Chetits gars ». Quelle que soit notre préférence personnelle, nous sommes devenus Bretons… vivons donc en bonne harmonie avec les Bretons qui sont de braves gens et qui nous ressemblent par plus d'un point (…) Mais les Bretons parlent une langue à laquelle nous n'entendons rien ?… Est-ce à nous de les en blâmer ? (…) Tout comme le provençal, le breton est une langue vénérable qui mérite d'être sauvée (…) Faisons bon accueil au 19e[45] ».
Un bureau spécial du service de contrôle postal aux armées s'occupe des lettres en breton que les soldats écrivent parfois à leur famille[46]. Mais le plus souvent, c'est en français qu'ils écrivent, puisque ce fut la langue de leur école[47]. Des séjours prolongés loin de leur domicile, les contacts avec des soldats de diverses origines, conduisent nécessairement les Bretons à une pratique plus intensive du français. Ils « ont un peu appris la Marseillaise, le Chant du Départ, la Brabançonne, et d'autres chansons en français[48]. » P.-J. Hélias se souvient d'un ancien combattant de 14-18 « qui cherchera pendant des années à se procurer le livre breton Ar Pevar Mab Emon (les Quatre Fils Aymon) qu'il a entendu lire dans les tranchées. Les autres ont occupé leurs jours de repos, à l'arrière des lignes de combat, à dévorer tous les imprimés français qui leur tombaient sous la main[49]. » La guerre ne fait donc pas perdre aux Bas-Bretons l'habitude de parler leur propre langue, mais elle est aussi pour eux un moment de découverte active du français.
À l'arrière, la population est avide d'informations sur la guerre. On peut supposer que l'observation faite sur la diffusion de la presse à Pordic, pas très loin de la limite linguistique, est significative de ce qui se passe dans toute la région : pour 900 familles, on y lit alors 1 060 quotidiens et périodiques, contre à peine 500 avant la guerre. « Kroaz ar Vretoned » continue de paraître en breton. « Le Courrier du Finistère », qui avait cessé de publier des articles en breton au début du conflit, les reprend au bout de quelques mois. Dans la conversation courante, le monde des bretonnants adopte des mots nouveaux empruntés au français : d'abord « le front » ; puis « tranchées, obus, soixante-quinze. Il n'y a pas de mots bretons pour dire ce qu'ils signifient » ; enfin « un mot français de plus, encore plus bizarre que les autres et qui retentit dans toutes les bouches comme un applaudissement : armistice[50]… »
Notes
[1] Gilbert LE GUEN. D'une révolution manquée à une révolution possible. In : Histoire de la Bretagne/sous la direction de J. Delumeau. Toulouse : Privat, 1969, p. 485.
[2] Gilbert LE GUEN. D'une révolution manquée à une révolution possible…, op. cit., p. 465.
[3] Yves LE GALLO. Clergé, religion et société en Basse-Bretagne, de la fin de l'Ancien Régime à 1848. Paris : Les Éd. Ouvrières, 1991, p. 67-69. Le même auteur signale (p. 69-70) des demandes analogues au profit des prisons de Rennes ou Fontevraut.
[4] Cité dans : Le Finistère de la Préhistoire à nos jours/sous la direction d'Yves Le Gallo. Saint-Jean d'Argely : Bordesoules, 1991, p. 421.
[5] SEBILLOT (Paul). La langue bretonne. Limites et statistiques. REVUE D'ETHNOGRAPHIE, t. V, n° 2, janvier 1886, p. 1-29.
[6] Gilbert LE GUEN. D'une révolution manquée à une révolution possible…, op. cit., p. 470.
[7] Suzanne BERGER. Les paysans contre la politique. Paris : Seuil, 1975, p. 49.
[8] Id, p. 87.
[9] A. SIEGFRIED. Tableau politique de la France de l'Ouest sous la Troisième République. Genève : Slatkine, 1980, p. 207.
[10] Gilbert LE GUEN. D'une révolution manquée à une révolution possible…, op. cit., p. 482-483.
[11] André SIEGFRIED. Tableau politique de la France de l'Ouest…, op. cit.
[12] Gilbert LE GUEN. D'une révolution manquée à une révolution possible…, op. cit., p. 482-483.
[13] A. SIEGFRIED. Tableau politique…, op. cit., p. 207.
[14] A. SIEGFRIED. Tableau politique…, op. cit., p. 223-224.
[15] Sous la signature de Hoel Broërech, dans ALMANAK KEVREDIGEZ BROADUS BREIZ, 1912, p. 59-60.
[16] Ce n'est pas ici le lieu d'en décrire toutes les composantes. Pour plus de précisions, voir : F. BROUDIC. Al liberterien hag ar brezoneg. Brug : 1913-191 - Brest : Brud Nevez, 1983, p. 115-118.
Yves LE GALLO. Basse-Bretagne et Bas-bretons (1870-1918). In : Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne/sous la direction de Jean Balcou et Yves Le Gallo. Paris : Genève : Champion-Slatkine, 1987, p. 23-27.
F. ELEGOET. Prêtres, nobles et paysans du Léon au début du XXe siècle. Notes sur un nationalisme breton. PLURIEL, n° 18, 1979, p. 39-90.
[17] F. BROUDIC. Al liberterien hag ar brezoneg…, op. cit., p. 90-91.
[18] Voir notre mémoire de maîtrise : F. BROUDIC. Al liberterien hag ar brezoneg…, op. cit.
[19] Pour en juger, il suffit d'observer que « Breiz Dishual », l'organe du tout neuf PNB, comporte bien un titre en breton, mais est presqu'entièrement rédigé en français : les nationalistes, s'ils parlent au nom de la Bretagne, ne cherchent pas à s'appuyer sur la population bretonnante.
[20] J. LE DÛ, Y. LE BERRE. La culture bretonnante (1870-1914). In : Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne…, op. cit., p. 41-50.
[21] Voir : Bernard DUCHATELET. Au miroir de l'être. In : Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne…, op. cit., p. 109-124.
[22] André SUARES. Le livre de l'émeraude. Paris : Éd. Emile-Paul Frères, 1924, 321 p.
[23] Id, p. 6.
[24] Id, p. 27.
[25] Id, p. 139.
[26] Id, p. 229.
[27] Citations collectées par René Le Bihan, conservateur du Musée des Bzaux-Atrs de la Ville de Brest. D'autres mentions pourraient être, selon lui, trouvées chez Jules Breton et chez le Suédois Josephson à Douarnenez, autour de 1860-1880.
[28] Ou Ils n'ont pas fait l'objet d'un relevé analogue à celui effectué pour la période antérieure…
[29] Henri BAUDRILLART. Les populations agricoles de la France. Normandie et Bretagne. Passé et présent. Mœurs, coutumes, instruction, population, famille, valeur et division des terres. Fermage et métayage. Ouvriers ruraux, salaires, nourriture, habitation. Paris : Hachette, 1885, 638 p.
La partie concernant la Bretagne a fait l'objet d'une réédition : Henri BAUDRILLART. Il y a un siècle les paysans bretons/Présentation de Fañch Elegoet. TUD HA BRO - SOCIÉTÉS BRETONNES, n° 17-18, 1987, IX-V-296 p. Nos citations sont extraites des pages 424-426 de l'édition originale, soit les pages 82-84 du reprint.
[30] Id, p. V.
[31] La Pensée Bretonne, 1913-1914.
[32] Cité par : Yves LE GALLO. Basse-Bretagne et Bas-Bretons (1870-1918)…, op. cit., p. 17.
[33] Se reporter au sommaire, sur la page d’accueil, pour repérer les chapitres relatifs à cette enquête.
[34] En fait, le Finistère est le seul des trois départements pour lequel les données fournies par Sébillot sont relativement cohérentes : il aboutit à un total de 622 000 personnes sachant le breton. Si l'on traduit ses estimations en pourcentages, l'on obtient les évaluations suivantes pour ce département :
• Ignorant le breton : 7,44 %
• Bilingues : 40,17 %
• Monolingues de langue bretonne : 52,38 %
• Sachant le breton : 92,55 %.
[35] Léon Bureau avait présenté en 1878, une « Ethnographie de la presqu’île de Batz ».
[36] Bilingue est utilisé ici dans le sens où les individus concernés peuvent non seulement comprendre, mais également parler les deux langues.
[37] J. LE DÛ, Y. LE BERRE. La culture bretonnante…, op. cit., p. 42.
[38] Id, p. 42.
[39] Cité, d'après les Archives départementales des Côtes-d'Armor, par : Klaoda an DU. Histoire d'un interdit, op. cit., p. 164. J. Le Crann le confirme pour Saint-Rivoal au début du XXe siècle : les élèves qui avaient passé un ou deux ans en pension à Brasparts en vue d'obtenir le certificat d'études, revenaient ensuite à la maison travailler la terre et courir les foires. Ils avaient acquis une bonne connaissance du français, « mais dans l'ambiance familiale, ils se remettaient aussitôt à parler breton et durant tout le reste de leur vie ne pratiquaient plus que cette langue, sauf aux quelques occasions où ils se voyaient contraints de parler français ». Jean LE CRANN. Une société rurale dans la montagne d'Arrée…, op. cit., p. 201.
[40] Pierre-Jakez HELIAS. Le cheval d'orgueil. Mémoires d'un breton du pays bigouden/traduit du breton par l'auteur. Paris : Plon, 1975, p. 139.
[41] COMMISSION « HISTOIRE » DE SKOL VREIZH. La Bretagne au XXe siècle. Histoire de la Bretagne et des pays celtiques de 1914 à nos jours. Morlaix : Skol Vreizh, 1983, p. 20.
[42] Le chiffre de 150 000 est de Gilbert Le Guen, celui de 120 000 du manuel d'histoire de « Skol Vreizh ». Gilbert LE GUEN. D'une révolution manquée à une révolution possible…, op. cit., p. 490. COMMISSION « HISTOIRE » DE SKOL VREIZH. La Bretagne au XXe siècle…, op. cit., p. 24.
[43] Archives de l'Évêché de Saint-Brieuc. Réponses au questionnaire de visite pastorale de 1936-39. Il serait également possible de relever les réponses des recteurs pour les paroisses situées en Haute-Bretagne. Toutefois, sur la base d'une moyenne de 68 tués par paroisse et d'un total de 500 paroisses en Bretagne, le nombre total des tués serait alors d'environ 103 000 pour l'ensemble de la région.
[44] Marc BLOCH. Souvenirs de guerre, 1914-18. Cité par : COMMISSION « HISTOIRE » DE SKOL VREIZH. La Bretagne au XXe siècle…, op. cit., p. 22. BLOCH (Marc), historien français (1886-1944). Né à Lyon, il fondera en 1929, avec Lucien Febvre, « Les Annales d'histoire économique et sociale ».
[45] Stéphane AUDOIN-ROUZEAU. 14-18. Les combattants des tranchées. Paris : A. Colin, 1986, p. 54.
[46] Par ailleurs, l'histoire de François Laurent, de Mellionnec, a été fréquemment citée, et même portée à l'écran par Philippe Durand, pour la télévision : en octobre 1915, il est fusillé pour l'exemple, alors qu'en fait il ne savait pas le français. Il sera réhabilité 20 ans plus tard.
[47] Des journaux de guerre, tels que celui de Loeiz Herrieu, ont bien été rédigés au jour le jour en breton, mais plus nombreux semblent avoir été ceux qui ont été rédigés en français par des bretonnants.
[48] P.-J. HELIAS. Le cheval d'orgueil…, op. cit., p. 214.
[49] Id, p. 215.
[50] P.-J. HELIAS. Le cheval d'orgueil…, op. cit., p. 61-63.
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