La pratique du breton de l'Ancien Régime à nos jours
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La thèse de Fañch Broudic en accès libre
D'un Empire à l'autre : « lui seul comprend »
De 1799 à 1870 : cinq régimes différents
Ce n'est qu'à partir des années 1870, selon Yannick Guin, que « de nouveaux rapports de forces entre les classes sociales (…) préparent la Bretagne à de profonds bouleversements[1] ». C'est, selon le même historien, dès le lendemain du coup d'État du 18 brumaire que les choses se figèrent pour plusieurs décennies, constituant ce qu'il avait dès son introduction défini comme « l'originalité de la situation bretonne[2] ». De fait, de 1799 à 1870, cinq régimes principaux différents vont se succéder en France, dont le plus court sera la IIe République, de 1848 à 1852 : tous, à l'exception des Bourbons, surveillent la Bretagne d'un œil inquiet.
Lorsque Napoléon Bonaparte prend le pouvoir, en effet, la guerre civile est loin d'être achevée. Ce sont les Préfets du Consulat et de l'Empire et la signature, en 1801, du Concordat qui vont ramener progressivement le calme. Les Préfets, dont certains sont « des administrateurs chevronnés de l'Ancien Régime[3] », vont assurer la continuité de l'Administration. Le Concordat conduit à l'élimination du clergé constitutionnel des postes importants, et autorise le retour en force des « bons prêtres ». Il faut considérer toutefois qu'à la campagne, les rapports de production n'ont guère été transformés pendant la période révolutionnaire.
Guin considère la Restauration comme « une période capitale dans l'histoire de la Bretagne[4] », dans la mesure où elle se traduit par « la consolidation du bloc agraire ». Celle-ci est acquise par la Terreur blanche, par la reconstruction de l'Église qui a accueilli favorablement le retour des Bourbons (essor des vocations, nouvelles congrégations, contrôle de l'enseignement) et, enfin, par le renforcement du pouvoir économique et politique de la propriété foncière. Le rétablissement de la monarchie avait en effet aussitôt provoqué le retour en grâce des « bons et religieux » Bretons, que le professeur Le Gallo commente avec son sens habituel de la concision : « à l'ordre militaire, exogène, succéda l'ordre théocratique, indigène[5] ». Après 1830, la Monarchie de Juillet commence par écarter les légitimistes du pouvoir, mais ne met pas très longtemps à découvrir tout l'intérêt qu'il y a pour elle à pouvoir compter sur la noblesse, le clergé et la paysannerie de Bretagne.
Après 1848, l'instauration du suffrage universel, sous la IIe République, permet à l'Église de faire la démonstration de sa puissance : presque partout, les listes cléricales l'emportent. Le coup d'État de Napoléon III n'est guère contesté. Lorsque l’empereur, en 1858, effectue son voyage en Bretagne, il reçoit un accueil enthousiaste, notamment de la part du clergé, allié autant que bénéficiaire du régime. 1870 marque « l'apogée de l'influence des générations typiques du XIXe siècle » : dans les cinq Conseils Généraux de Bretagne, on compte alors 65 propriétaires contre à peine 13 manufacturiers et 18 négociants, mais aussi 11 magistrats, 20 avoués, 28 notaires, 16 médecins, sans compter que, sur cet ensemble, 72 sont des nobles… Les républicains sont au nombre de 12, sur un total de 136[6].
Le siècle des « des occasions manquées »
Cette Bretagne, politiquement conservatrice, donne pendant toute la période une certaine image d'immobilisme. Pour Jean Meyer, c'est le siècle « des occasions manquées (…) Les éléments positifs ont été moins importants que le cumul progressif des retards relatifs[7] ». Les villes, peu nombreuses, mettent du temps — jusqu'en 1840 — à retrouver leur niveau de 1789 : Brest, la seule grande ville de Basse-Bretagne, passe de 27 500 habitants en 1801 (19e ville de France) à 61 000 en 1851 (11e rang). En 1876, la population urbaine ne compte toujours que pour 20 % du total de la région.
L'exode rural ne profite pas vraiment aux agglomérations : la première grande vague d'émigration, de 1851 à 1872, voit 116 000 départs vers Paris et les principaux ports français[8]. L'ensemble des départements bretons progresse néanmoins de 2 200 000 habitants en 1801 à 3 100 000 en 1881 ; la Basse-Bretagne, de 950 000 à 1 330 000. La part de la Bretagne dans l'ensemble français baisse à peine (de 8,04 % à 7,9 %, davantage en réalité si l'on tient compte de la perte de l'Alsace-Lorraine), mais la part de la Basse-Bretagne au sein de la région est en légère augmentation (de 51,83 % en 1881 à 54,51 % en 1881[9]).
Si la Bretagne apparaît déjà comme une région rurale surpeuplée, l'agriculture bénéficie cependant d'un certain nombre de transformations : défrichements, et surtout développement de la culture de la pomme de terre, « la plante miracle des années 1840-1880[10] ». Il n'empêche que, malgré quelques autres innovations (développement de la pêche côtière et de la conserverie, par exemple), le XIXe siècle breton reste caractérisé par « la faiblesse essentielle de la vie économique[11] ». La Bretagne, mis à part Nantes, ne compte plus guère dans le commerce maritime international. Rien ne vient compenser la disparition de l'industrie textile rurale. Il semble bien que la région manque alors de capitaux, et c'est grâce à la Marine que l'État, à Brest et Lorient, porte « à bout de bras la quasi-totalité de la vie urbaine de la Basse-Bretagne[12] ».
Sur le plan des communications, le réseau routier bénéficie d'améliorations. Mais la grande nouveauté du XIXe siècle reste finalement l'arrivée du chemin de fer à la pointe de Bretagne. La construction des canaux, outre qu'elle avait été très lente, n'a jamais été économiquement probante. Une vingtaine d'années après l'achèvement du canal de Nantes à Brest, le chemin de fer atteint d'abord Nantes (en 1851), puis Rennes (en 1857). En Basse-Bretagne, sont tour à tour connectées les villes de Vannes, Lorient, Saint-Brieuc, Guingamp (en 1862), puis Quimper, Châteaulin, Pontivy (en 1864), enfin Morlaix et Brest (en 1865). Les réseaux à voie métrique seront construits pour rejoindre les lignes principales. Alors qu'il avait été question d'une voie centrale, de Rennes à Brest via Pontivy et Châteaulin, l'on avait en effet opté pour un double tracé le long des côtes, essentiellement pour des raisons stratégiques.
Mais ce ne fut pas la seule argumentation que l'on développa en faveur de l'extension de la voie ferrée vers l'ouest. Déjà, le creusement des canaux, à partir des années 1804-1806, est conçu comme devant aussi avoir pour conséquence d'entamer la cohésion linguistique de la Basse-Bretagne : « le prodige de la francisation de cette province, écrit le commissaire général de police Chépy à son arrivée à Brest, est réservé à l'Empereur et les canaux ordonnés par son vaste génie consommeront ce grand ouvrage[13] ».
En 1841, R. A. Hamon, le secrétaire particulier de Guizot — alors ministre des Affaires étrangères — développe le même raisonnement dans une lettre au journal « L'Union » qui mérite d'être longuement citée :
« (…) L'intérêt commercial autant qu'un intérêt de justice parle donc en faveur de notre ligne, que veulent aussi des intérêts politiques, intérêts de civilisation et d'unité nationale. La Bretagne forme, pour ainsi dire, une nation distincte : mœurs, coutumes, langage, tout y diffère du reste de la France. Nous avons presque à civiliser cette province si belle, mais encore si sauvage (…) Qu'une ligne de fer soit construite à travers ce pays, une circulation rapide s'établira, des populations bretonnes descendront vers la France centrale et des populations des provinces plus avancées en civilisation viendront à leur tour visiter la Bretagne. Un chemin de fer apprendra en 10 ans plus de français aux Bretons que les plus habiles instituteurs primaires et avancera de plus d'un siècle la fusion de cette vieille province avec nos jeunes départements. C'est vraiment pitié de ne point travailler plus activement que nous le faisons à civiliser, à franciser tout à fait cette belle province à l'entêtement si fier, aux sentiments si généreux. Un pareil but, à lui seul, vaudrait bien quelques millions[14] (…) ».
Tout est dans ce texte : le constat de l'hétérodoxie linguistique, la définition de la Bretagne comme un pays à civiliser, la méfiance du pouvoir central, et, bien sûr, la conscience de tous les avantages supposés du nouveau moyen de transport : économiques, culturels et… linguistiques. Il faut bien dire que, localement, la perception est identique : une vingtaine d'années après cette lettre, le 7 septembre 1863, les Quimpérois reçoivent, la veille des cérémonies organisées pour fêter l'arrivée du rail dans leur ville, un faire-part singulier les invitant à se rassembler à la gare pour assister « au convoi funèbre des mœurs, coutumes, langage et traditions de la vieille Armorique, décédée aujourd'hui dans la 1900e année de son âge[15] » !
Le peuple bas-breton
Alors qu'au siècle précédent, les observations sont assez rares sur la pratique du breton, elles sont désormais et plus nombreuses et plus précises. Sur l'étendue de la zone bretonnante, tout d'abord : la première enquête dont on puisse d'ailleurs faire état est tout ce qu'il y a de plus officiel, puisqu'elle est menée avec le concours des Préfets, sous l'égide du Bureau de Statistique du Ministère de l'Intérieur, à l'initiative de Ch. Coquebert de Monbret. Plusieurs auteurs retranscriront ensuite, avec plus ou moins de justesse, les limites du pays bretonnant : Gaultier du Mottay pour les Côtes-du-Nord, J. Mahé et Guyot-Jomard pour le Morbihan. L'analyse de publications de l'époque, telles que le « Dictionnaire » des continuateurs d'Ogée, peut en outre, aujourd'hui, être confrontée à des recherches d'archives. Les voyageurs confirment également ce qu'Yves Le Gallo appelle « l'existence de deux Bretagne (…), la ligne de partage des langues (ayant) valeur aussi de limite ethnique et culturelle. Elle séparait un peuple, les Bas-Bretons, de langue, civilisation et mœurs étrangères, et des populations, les Hauts-Bretons, banale variété indigène du Français de province[16] ». L'historien brestois — auquel nous oserons beaucoup emprunter pour ce chapitre, puisqu'il a, en ce domaine, beaucoup défriché — multiplie les citations d'époque à l'appui de son propos :
L'administration ne peut pas davantage ignorer que la plus grande partie de la population ne sait que le breton :
Les voyageurs, de même qu'un mémorialiste comme J. Simon, ont également multiplié les observations sur la Bretagne bretonnante :
Tous les auteurs ne sont pas toujours aussi précis sur l'étendue de la zone bretonnante, et le secrétaire de Guizot, A. R. Hamon, précédemment cité, étendait à toute la Bretagne le bénéfice que la Basse-Bretagne surtout aurait retiré de l'extension vers l'ouest du chemin de fer. À l'inverse, d'autres auteurs, tel Cambry, considèrent le département du Finistère — le seul entièrement bretonnant, il est vrai — comme recouvrant la totalité de la Basse-Bretagne.
Pour tous, il est patent que le breton est bien la langue que l'on parle en Basse-Bretagne. Mais cette langue ne s'énonce pas partout de la même manière. Au XIXe siècle déjà, la question des dialectes préoccupait les auteurs. Nous pouvons ainsi mentionner :
On a l'impression que les citations se suivent et se répètent, et que les divisions dialectales tiennent autant du discours ou des idées reçues que du constat d'évidence. Ce ne sont pas les seules perceptibles. Les différences géographiques et sociales le sont aussi. Ce n'est pas la population dans son ensemble qui fait usage du breton, et Alfred de Courcy précisait bien que « c'est le paysan de Basse-Bretagne (qui) a conservé l'antique idiome des Celtes ». En 1804 déjà, l'« Annuaire statistique du département du Finistère pour l'An XII de la République » insistait sur tout ce qui différenciait « les habitants des campagnes » de ceux des villes et plus encore de ceux du reste de la France : « l'instruction a fait si peu de progrès parmi eux qu'on trouve des communes entières dans lesquelles il n'y a pas quatre cultivateurs qui sachent lire et écrire ; ils sont à cet égard de plusieurs siècles en arrière du reste des Français[37] ». Flaubert aussi attribue la pratique du breton aux habitants des campagnes essentiellement, « quoique la langue persiste », écrit-il, en ville. Mais son propos va bien au-delà, puisqu'il note le « mépris » que portent les habitants des villes « désenbretonnées » à l'égard des paysans qui eux continuent à s'exprimer en breton.
Les îlots linguistiques
Quelle conscience ont-ils, ces campagnards, de leur propre pratique linguistique ? Elle ne diffère pas, en réalité, de celle des citadins, si ce n'est qu'elle en est l'image inversée. Si l'on en croit Alfred de Courcy, en 1840, le breton est pour eux la marque de leur état, alors que le français est la caractéristique de la bourgeoisie : « le paysan bas-breton se reconnaît volontiers inférieur à la classe policée par l'éducation, et pour lui ce qui caractérise cette classe, c'est qu'elle parle français dans ses rapports journaliers ; on l'étonne beaucoup en lui apprenant qu'il y a des provinces où le français est aussi la langue des campagnes[38] ». Yves Le Gallo en tire l'observation suivante : « le breton n'est pas seulement une langue de paysans, c'est une langue paysanne et, sans doute pour certains, la langue paysanne par excellence ». Hiérarchie linguistique et hiérarchie sociale se superposent.
Mais cela n'est pas seulement le cas des zones rurales vis-à-vis des villes ; dans celles-ci la dichotomie est du même ordre. Car la langue bretonne, à ce moment-là, n'est pas exclue des agglomérations urbaines, même de la plus importante d'entre elles. Brest, que tout le monde, dans la première moitié du XIXe siècle, s'accorde à considérer non pas comme « une ville de Bretagne (mais comme) une colonie maritime peuplée de soldats, de marins et de marchands de tous les pays[39] », apparaît bien aux yeux de l'historien comme « un îlot linguistique » : Brest parle français. Mais ne parle pas que le français. À Brest même, on dispense des sermons en breton à l'église des Carmes. La prédication est bilingue à Saint-Sauveur, en 1826 : la population de Recouvrance étant composée « peut-être dans une égale proportion de Bretons et de Français, il est essentiel que le jubilé y soit donné dans les deux langues ». En 1832, l'Évêque de Quimper affirme que « la connaissance du dialecte bas-breton est indispensable pour donner utilement les soins religieux soit aux marins de l'Orion[40] même, soit aux enfants appartenant aux équipages de ligne ».
En 1846, un rapport rédigé à la demande du Ministère des Finances analyse les différences entre Brest et Recouvrance : « Recouvrance est essentiellement habitée par des ouvriers, employés au port et des marins ; c'est la partie arriérée de la ville ; le celtique qui ne se parle plus à Brest y est encore usité ; les mœurs et les usages y sont moins polis[41] ». Quelques années auparavant, en 1819, le maire de Brest regrette que les commissaires de police de la ville ne connaissent pas le breton pour surveiller comme il aurait convenu les classes populaires : « l'ignorance de la langue que parle la classe pauvre à Brest, nuit beaucoup au zèle de messieurs les commissaires de police, auxquels on ne peut cependant le leur reprocher, puisqu'ils ne sont pas bas-bretons[42] ». À plus forte raison, la périphérie immédiate de la ville, reste, au cours de la première moitié du siècle, complètement bretonnante : évoquant le discours prononcé lors des obsèques du recteur de Gouesnou par le baron Lacrosse, le 14 octobre 1840, le curé de Saint-Louis de Brest écrit : « tout ce qu'il a dit était assez convenable et surtout débité avec le feu que vous connaissez au député de Brest. Les bons paysans itentique ora tenebant, mais ils ne l'entendaient pas, il aurait fallu à l'orateur un interprète breton[43] ».
Vannes, aussi, reste une ville « bretonne », autrement dit bretonnante, en 1868, mais quand l'Évêque intervient au cours des missions bretonnes organisées à l'intention des paroissiens extra-muros, c'est en français qu'il s'exprime : « la mission bretonne de Vannes s'est terminée (…) Monseigneur (…) a félicité cette vaste assemblée. Ceux mêmes de nos bons Bretons qui ne connaissent qu'un son et qu'une langue pouvaient facilement deviner l'impression de joie et de bonheur[44] (…) ». À Tréguier, selon l'un des informateurs de Gaultier du Mottay, « la langue de la classe ouvrière est le breton[45] ». Les observateurs ont cependant conscience des évolutions en cours : « si l'on compare ce qui existe aujourd'hui à ce qui existait il y a 30 ans, écrit ainsi en 1863 l'Inspecteur primaire de Quimper, alors que le breton, dans les villes, était l'unique langue des petits commerçants, des ouvriers, des domestiques et des pauvres, et le français la langue des salons seulement et des personnes ayant reçu de l'instruction, on reconnaît qu'il s'est, dans les villes, effectué des progrès[46] ».
À l'intérieur des villes, il y a donc bien, comme aujourd'hui dans les agglomérations à forte population immigrée, répartition géographique et sociale des usages linguistiques. La différence c'est qu'alors, à Brest ou Vannes, ce sont les bretonnants, d'origine locale, qui sont relégués à la périphérie. Mais ce n'est pas tout. L'analyse du Professeur Le Gallo suugère que la majorité de la population, d'origine autochtone, se trouve « en position de subordination sociale, professionnelle et intellectuelle » par rapport à la minorité « importée ». L'analyse anthroponymique étaye l'hypothèse :
« les métiers qui requièrent capital initial, compétence technique, pratique commerciale, études longues, sont peu pratiqués par la population indigène (…) La population bretonne occupe les emplois les moins qualifiés, exerce les professions mercantiles d'affinités rurales, travaille à l'arsenal ou chez un patron, navigue sur les bâtiments de l'État, se groupe par rues ou quartiers populaires[47] ».
Flaubert aussi, quelques mois avant la chute de Louis-Philippe, considérait le prolétariat urbain d'origine rurale comme un conservatoire de la langue : ce sont « les pauvres filles qu'on fait venir comme domestiques (qui restent fidèles) à tout ce que la patrie a de plus distinctif, le langage et le costume[48] ».
Ce sont probablement les informateurs de Gaultier du Mottay, les continuateurs d'Ogée, et Habasque qui donnent l'exacte mesure de la situation. Rappelons succinctement les éléments fournis par les premiers : à peu près partout, la langue d'usage est le breton, même si le français n'est pas inconnu. C'est dans les familles aisées, et parmi ceux qui ont fréquenté l'école, que l'on rencontre des personnes à même de s'exprimer en français. Les petites villes des Côtes-du-Nord — Rostrenen, Tréguier, Callac, Lannion, Perros-Guirec… — sont divisées linguistiquement, entre un secteur urbain qui tend à parler le français, mais plus fréquemment bilingue, et un secteur rural qui ne diffère pas des campagnes environnantes. Les informateurs de Gaultier du Mottay insistent sur la progression du français, de même que Marteville et Varin. Pour ceux-ci aussi, l'usage du breton est général, même si le français « s'entend ». Indépendamment des localités pour lesquelles aucune indication n'est fournie, il en est surtout trois — Carhaix, Landivisiau, Vannes — qui parleraient généralement le français.
Même en ville, le breton est d'usage général, sauf à Brest. Mais des évolutions s'observent déjà.
Pour Habasque, dans ses « Notions historiques (…) sur le littoral du département des Côtes-du-Nord », la langue bretonne « est la seule dont on se serve dans les campagnes, et tous les habitants des villes la parlent ou l'entendent, excepté peut-être ceux de Brest, où elle est étrangère à une grande partie de la population[49] ». Il faut en déduire que, dans les villes y compris, tout le monde a, au minimum, une connaissance passive du breton. Brest seule fait exception — le témoignage corrobore l'analyse de l'historien. Habasque d'ailleurs est tout à fait conscient des évolutions qui se produisent : « autrefois, dans les petites villes, les ouvriers et les domestiques ne parlaient que le breton, maintenant ils se servent presque indifféremment, de l'un ou de l'autre idiome[50] ». Ce n'est pas tout à fait le sentiment de l'Inspecteur d'Académie du Morbihan, bien qu'il intervienne une trentaine d'années après Habasque : « nous voyons tous les jours dans les villes de la partie bretonne s'accroître le nombre des habitants qui entendent le français ; mais ils n'oublient pas pour cela le breton, la langue maternelle qu'ils continuent à employer dans leurs relations intimes[51] ».
Le fait est que la connaissance du français progresse, y compris au sein du prolétariat urbain. En ville, celle du breton est dès lors en régression, ce que confirme encore Habasque par une anecdote qu'il fournit à l'appui d'une observation : les cultivateurs…
« ne manquent jamais de sourire, quand ils entendent un habitant des villes prononcer mal ou employer une locution vicieuse. Deux termes servent en breton à rendre le mot chemise. L'un est exclusivement réservé pour exprimer ce vêtement de l'homme, l'autre pour désigner une chemise de femme. L'habitant des villes qui souvent ignore cette différence fait indistinctement usage de l'un ou de l'autre de ces mots ; ce qui ne manque pas d'amuser à ses dépens, jusqu'au dernier des valets de ferme[52] ».
Les différences de langage peuvent donc, en 1832, susciter l'ironie, mais ce qui est ici significatif c'est que, certes, les citadins « entendent » le breton et sont également en mesure de le parler, qu'ils le font effectivement dans leurs relations avec les ruraux, mais qu'ils ne sont plus toujours à même de s'exprimer correctement, selon la norme qu'attendent les « cultivateurs bas-bretons » qui, eux, « attachent tant de prix à se servir du mot propre ». J.F. Brousmiche semble d'accord avec M. Habasque : « la langue bretonne perd chaque jour de son énergie, de sa précision près des grandes villes[53] ».
À l'inverse, les bretonnants ont bien du mal à maîtriser comme il conviendrait le français, et toujours selon M. Habasque,
« c'est au même sentiment qu'il faut attribuer la difficulté que l'on éprouve à déterminer les cultivateurs bas-bretons à s'exprimer en français devant les tribunaux ou dans les réunions solennelles quelconques. Ils craignent, alors même qu'ils parlent facilement cette langue, de faire quelque faute contre les règles, et de s'énoncer de manière peu convenable[54] ».
C'est également ce qu'il faut déduire d'un dialogue des « Colloques français-breton » rapporté par Christian-J. Guyonvarc'h :
« - D'où vient que vous ne dites rien ?
- Que diroy-je ? Il vaut mieux se taire que mal parler ; je ne scay pas bien parler François, partant je me tais[55]».
Jules Simon aussi fait écho à cette hantise de mal s'exprimer dans une langue qui n'est pas le moyen d'expression habituel des intéressés : « le bruit courait dans les villes que les paysans comprenaient le français et ne voulaient pas le parler. Cela était vrai, au moins pour quelques-uns. Pour quel motif ? Par timidité ? Par méfiance ? Par attachement à la vieille langue et aux vieux usages ? Il y avait un peu de tout cela[56]…». D'après le pasteur gallois David Jones, en 1824, « seules des considérations d'intérêt ou de nécessité déterminent les paysans qui connaissent le français à faire usage de cette langue[57] ».
D'autres témoignages peuvent être collectés sur les usages linguistiques au cours de la période qui s'étend d'un Empire à l'autre. Renan, par exemple, est né à Tréguier en 1823, d'un père marin et d'une mère commerçante : il était bretonnant. Selon son biographe Jean Balcou, alors qu'il était allé poursuivre ses études à Saint-Nicolas du Chardonnet, en 1838-41, il appréciait de s'entretenir en breton avec son compatriote de Trédarzec, l'abbé Tresvaux. Plus tard, il « bretonnait » toujours à Paris en présidant « les Dîners celtiques », et à l'occasion de ses retours au pays, à Rosmapamon — en Louannec — c'est toujours dans sa langue maternelle qu'il conversait avec ses compatriotes : « dès que j'ai parlé breton, ils m'ont tenu absolument pour un des leurs[58] ». Mais « comme la plupart des bretonnants, Renan ne songeait guère à écrire du breton[59] ».
Le pemier évêque concordataire du Finistère écrivait, le 26 août 1806, que « la presque totalité de (son) diocèse n'entend et ne parle que le breton[60] ». Celui du Morbihan, Mgr Pancemont, se plaignait du manque de prêtres parlant breton, et parlant surtout le breton qu'il faut. Il déplorait en effet « les malheureux effets des variations de votre idiome (…) Je ne puis m'empêcher de gémir sur l'avenir réservé à vos cantons, s'ils ne cultivent pas davantage la langue française. Je perds assez fréquemment des sujets bretons. Je n'en ordonne presque point ». Le vicaire général Le Gal écrivait au maire de Locunolé qui lui réclamait la nomination d'un recteur : « les prêtres sont rares dans votre pays, et les autres n'entendent pas votre breton[61] ». Mgr Garnier, qui fut six mois évêque de Vannes en 1826, « regrett(ait) de ne savoir pas le bas-breton, et ne désespér(ait) pas d'en apprendre quelque chose. Il (avait) fort bien appris l'allemand dont la prononciation lui (aurait été) fort utile[62] ».
L'explosion du breton écrit
Les faits culturels corroborent toutes ces indications : l'essor du théâtre religieux, par exemple. Sur 21 manuscrits datés de pièces en vannetais, 13 indiquent une date comprise entre 1799 et 1830, « pour la plupart sous le Consulat et l'Empire (…) L'interdiction vers 1857 n'empêche pas la tradition de se perpétuer dans les décennies suivantes[63] ». Après la Révolution, on constate également une reprise de l'édition religieuse en breton. En pays vannetais, selon C. Langlois[64], elle ne s'était jamais vraiment tarie. « Sous la Restauration, plus de la moitié de la population du Morbihan ne parlant que breton dispose pour nourrir sa piété sans doute d'une quarantaine d'ouvrages (…) Traductions qui continuent, multiples rééditions, attestent un besoin des milieux ruraux bretons ». Un nouvel éditeur, Lamarzelle, vient faire concurrence à l'ancienne maison Galles.
Pour l'ensemble de la Basse-Bretagne, et pour la période 1790-1892, Jean Le Dû et Yves Le Berre signalent « une véritable explosion du breton écrit[65] ». Les statistiques qu'ils ont élaborées sont éloquentes : un millier d'ouvrages reliés ou brochés, cinq périodiques entièrement rédigés en breton (totalisant 2 500 numéros) et deux bilingues (170 numéros), des dizaines d'almanachs, des publications sur feuilles volantes… Les deux chercheurs font état en outre d'une « relative laïcisation littéraire » : la production n'est plus exclusivement religieuse. De nouveaux genres, de nouveaux thèmes sont abordés. Malgré tout, l'essentiel de ce développement de l'édition et de la presse en breton…
« s'est fait avant tout en réaction contre la Révolution (…) on ne trouve pratiquement rien qui illustre de grands projets démocratiques ou patriotiques ; au contraire, presque tout, d'une façon ou d'une autre, marque la volonté d'effacer des consciences, sinon des mémoires, toute sympathie à l'égard des idées de progrès, d'imposer la résignation à l'ordre établi[66] ».
À certains égards, cela ne saurait surprendre, puisque, selon les pourcentages établis par Y. Le Berre, de 1790 à 1892 toujours, 72,9 % des auteurs de langue bretonne sont des membres du clergé[67].
Accordons une attention particulière à la presse, dans la mesure où elle est la marque d'une diffusion de masse. Pour ce qui est du breton, ce n'est cependant pas tout à fait le cas. La première véritable tentative de publication d'un périodique en breton est celle dont Armand Duchâtellier prit l'initiative en 1833, « Mignon al labourer : L'ami du Cultivateur » : elle ne dura que deux ans sur 25 numéros, et 300 personnes seulement s'y étaient abonnées. Les trois variantes des « Annales de la Propagation de la Foi », qui furent publiées à partir de 1843 dans l'Évêché de Vannes (« Lihereu Brediah ar Fe »), 1844 dans celui de Quimper et Léon (« Lizeriou Breuriez ar Feiz »), et 1865 dans celui de Saint-Brieuc et Tréguier (« Keloio Prezegerez ar Fe »), eurent plus de succès : en vannetais, elles furent tirées à 1 200 exemplaires, paradoxalement moins en Finistère.
Le premier hebdomadaire totalement rédigé en breton ne semble pas avoir jamais dépassé le millier d'exemplaires : il s'agit toujours d'une émanation de l'Evêché de Quimper, « Feiz ha Breiz » (Foi et Bretagne), qui dura jusqu'en 1884. Le lancement, quelques années auparavant, du nouvel hebdomadaire catholique — et monarchiste — « Le Courrier du Finistère » contribua sans doute à sa disparition : celui-ci était bilingue. Mis à part le premier cité, tous ces périodiques peuvent se définir comme des organes de transmission de l'idéologie cléricale[68].
Nous ferons aussi une observation sur l'édition. L'une des dates-clés de la littérature bretonne est bien l'année de parution du « Barzaz Breiz » de Théodore Hersart de la Villemarqué. Donatien Laurent le souligne à juste titre :
« s'il y eut jamais une » révolution culturelle » en Bretagne, dans le domaine littéraire, c'est au XIXe siècle qu'elle eut lieu[69] », et plus précisément en 1839. La portée en est telle, effectivement, que nulle autre œuvre de langue bretonne n'a, depuis, suscité une si abondante exégèse, sous tous les angles possibles : littéraire, ethnologique, linguistique, historique, idéologique, etc. — et la personnalité de La Villemarqué y est aussi pour quelque chose[70].
Sur le point qui importe pour notre propos — l'usage et la diffusion de langue bretonne — il est acquis que « le recueil s'adressait au monde lettré de la capitale : le peuple bretonnant, celui qui parle quotidiennement breton, l'a dans son ensemble ignoré ou lui a préféré les versions moins policées que lui transmettait une robuste tradition[71] ». Le fait est que le « Barzaz Breiz » a toujours été publié en version bilingue, et qu'il a fallu attendre le cent cinquantième anniversaire de la première édition pour qu'en paraisse une version en breton exclusivement[72].
Il est vrai que Le Gonidec lui-même, en publiant sa « Grammaire celto-bretonne », quelques années auparavant, n'était mû que par « le désir seul de présenter quelques éléments utiles aux recherches aussi curieuses que savantes de l'Académie celtique », et point du tout par l'idée de fournir aux bretonnants le moyen de s'instruire dans leur langue : à eux, « l'usage habituel suffit », écrit-il avec une pointe de mépris[73]. Le breton n'est assurément pas alors une préoccupation première : alors que les historiens du XIXe siècle renouvellent en profondeur l'histoire de la Bretagne, la plupart d'entre eux (et en particulier La Borderie) ignorent le breton. Ayant recensé tous les mémoires et articles publiés par les sociétés savantes bretonnes entre leur création et la fin du siècle, J.Y. Guiomar n'a trouvé que 12 publications qui aient été consacrées à la langue bretonne[74].
Que représentait la langue bretonne elle-même aux yeux de La Villemarqué ? D'opinion catholique et légitimiste, le vicomte la considère indubitablement comme le rempart qui peut le mieux protéger les populations bretonnantes contre l'envahissement des idées nouvelles : « qui la préservera (la Bretagne) de l'irréligion et de la corruption qui gagnent avec le français les autres provinces, si ce n'est encore et toujours la langue d'or de nos aïeux[75] ? ». En publiant, en effet, trois ans seulement après le « Barzaz Breiz », cette sorte de manifeste qu'est « L'avenir de la langue bretonne », il veut en faire un véritable « cordon sanitaire » qui préserve les (Bas ?)-Bretons de la propagation des doctrines pernicieuses. C'est dans cet esprit qu'il cherche à imposer l'orthographe de Le Gonidec et entame son œuvre de purification lexicographique. Sur tous ces points, il s'est trouvé momentanément en accord avec la hiérarchie épiscopale, notamment avec Mgr Graveran, évêque de Quimper de 1840 à 1855.
La Villemarqué et ses disciples doivent, en 1856, faire le constat de leur échec. En témoignent les démêlés significatifs de l'abbé Henry avec l'abbé Le Clanche, chargé de lui accorder l'imprimatur de l'Evêché pour la « Vie de Jésus-Christ » qu'il voulait publier. Alors que le collaborateur de La Villemarqué faisait observer
qu'« au lieu de mettre des livres français entre les mains de nos cultivateurs, il vaudrait mieux leur donner des livres bretons great hervez ar reiz (“faits selon la règle”) »,
Le Clanche l'annotait comme suit :
« il importe peu que le breton soit écrit hervez ar reiz (» selon la règle ») ou non, pourvu que la doctrine soit bonne[76] ».
Le clan bretoniste se trouve isolé. Le clergé, quant à lui, va privilégier une approche utilitariste de la langue bretonne : le breton reste, et restera pendant longtemps, pour lui, le seul moyen de communication utilisable en Basse-Bretagne — et il le prouve abondamment durant tout le siècle. Mais à condition de transmettre « la bonne doctrine », les considérants lexicographiques ou linguistiques n'ont pas forcément, à ses yeux, une extrême importance… En fait, c'est la création de « Feiz ha Breiz » qui va permettre à l'Église « de se donner ses propres normes littéraires[77] ».
L'attitude des pouvoirs publics après la Révolution
Pour être complet, il convient enfin d'examiner l'attitude des pouvoirs publics à l'égard du breton après la Révolution. Ferdinand Brunot considère que ce qu'il appelle « l'esprit de francisation (…) n'est jamais mort ni dans la nation ni dans l'Administration[78] ». Il précise pourtant qu'« après Brumaire, l'histoire de la propagande en faveur du français s'arrête à peu près complètement[79] ». L'historien de la langue française rapporte le mot que l'on prête sur ce sujet à Napoléon : « laissez à ces braves gens leur dialecte alsacien ; ils sabrent toujours en français[80] ». Le français n'était d'ailleurs pas sa langue maternelle.
Les régimes suivants peuvent également être crédités d'anecdotes du même genre. Ainsi sous la Restauration, un mois à peine après le rétablissement de la monarchie, la duchesse d'Angoulême recevait à Paris, le 14 juin 1814, une délégation des municipalités paysannes du Finistère : « la princesse écouta avec bienveillance une adresse versifiée en breton et répondit dans la même langue[81] ». Sous la Monarchie de Juillet, la bretonnerie fut à l'honneur, mais elle fut plus musicale et dansante que linguistique : en 1843, on offrit un vrai bal breton au duc et à la duchesse de Nemours à l'occasion de leur venue à Brest ; en 1847, Matilin an Dall, le célèbre joueur de bombarde, joua dans un théâtre de Paris… Sous le Second Empire, enfin, Napoléon III, lors de son tour de Bretagne de 1858, prononce… à Rennes un discours en breton, alors qu'il n'avait pas pensé à le faire au cours de ses étapes en Basse-Bretagne.
Les autorités locales n'ont pas forcément une attitude négative à l'égard du breton. Le Préfet du Morbihan en 1831, E. Lorois, d'origine bretonne, était lui-même bretonnant et favorable à l'enseignement du breton. En 1833, c'est un « préfet épisodique du Finistère », Lepasquier, qui se met à l'étude du breton pour s'adresser en cette langue aux jeunes paysans convoqués pour le conseil de révision[82]. Son prédécesseur, Auguste Billiard, fit traduire en breton la charte de 1830 : imprimée à 3 000 exemplaires, il « devait (en) demeurer (un) constamment affiché à la mairie et à la porte de l'église, et les citoyens étaient invités également à l'afficher à l'intérieur de leur maison[83] ». Le même préfet conseille aux maires de diffuser « Mignon al labourer », le journal bilingue d'Armand Duchâtellier en 1833. En 1835, c'est le ministre du Commerce qui accorde à l'imprimeur Lédan une subvention de 300 francs pour faire paraître la traduction d'un ouvrage sur l'agriculture moderne « à l'usage de la portion nombreuse des cultivateurs bretons qui ignore encore la langue française[84] ». Quand il s'agit de communiquer, les représentants de l'État sont donc bien conscients de la nécessité de s'exprimer en breton.
Il convient de faire la part des choses entre ces nécessités, les attitudes aimables ou de façade, et la politique finalement suivie. On ne peut dire que la période 1800-1870 soit caractérisée par une politique de violente hostilité des régimes qui se sont succédé à l'égard de la langue bretonne. Après tout, c'est dès les débuts du Premier Empire qu'est effectuée, à l'initiative de Ch. Coquebert de Monbret, la seule enquête officielle qui semble avoir été menée en France sur les parlers autres que le français. De manière générale, il semble bien que l'on soit plus ou moins revenu, en ce domaine, à la politique organiciste de l'Ancien Régime : les langues régionales existent, donc on fait avec… En pratique, il n'est qu'un seul secteur qui constitue la pierre de touche de la politique linguistique des pouvoirs publics : c'est l'école.
Peut-on, avant de traiter des rapports entre scolarisation et langue bretonne, conclure provisoirement sur une évaluation de la population bretonnante au cours de cette période 1800-1870 ? Quelques contemporains ont avancé des chiffres :
Le chiffre d'Habasque n'est en réalité qu'une estimation, d'ailleurs supérieure de 100 000 unités à la réalité, puisque nous n'avons nous-même trouvé que 1 091 605 habitants en Basse-Bretagne en 1830[88]. Ceux du révérend Jones s'essaient déjà à classer les habitants de la Basse-Bretagne d'un point de vue sociolinguistique, mais n'ont pas tous la même valeur : si l'on ajoute aux 100 000 monolingues qu'il indique pour le Morbihan le même pourcentage de « bilingues » qu'il donne pour les Côtes-du-Nord, on aboutirait à un total général de l'ordre de 850 000 — mais tout ceci n'est pas très précis. Coquebert, lui, avait comptabilisé comme étant de langue bretonne la population de toutes les communes situées à l'ouest de la limite linguistique qu'il avait pu tracer. Le résultat qu'il fournit pour 1806 est légèrement supérieur au chiffre de population que nous avons établi pour la même date[89], à savoir 968 345. Celui qu'il calcule pour 1830 est très proche, puisqu'au recensement de 1826, il est de 1 060 716[90].
Les chiffres, cependant, sont rares. Ceux de l'Inspecteur Primaire de Quimper-Morlaix, au moment de l'enquête Duruy de 1863, apparaissent d'autant plus précieux qu'ils émanent d'un fonctionnaire dont le rôle était de développer l'enseignement du français. Rappelons-les[91] : dans les villes…
« un dixième de la population adulte ne sait que le français et une moitié sait le français et le breton. Le reste ne sait que le breton. Le dixième ne sachant que le français est généralement composé de fonctionnaires ou d'autres étrangers résidant dans ces villes. »
Les communes rurales…
« parlent exclusivement le breton. C'est à peine si l'on y trouve parmi les adultes 1/25 sachant assez bien le français pour le parler avec quelque facilité. »
Une génération plus tôt, l'enquête de 1831[92] permet d'établir que 80 % de la population ne savent que le breton, ceux qui peuvent parler, lire et écrire le français n'atteignant pas les 18 %. Les différences sont cependant très fortes entre les communes rurales, exclusivement bretonnantes à 90 ou 95 %, et les villes, où le pourcentage de monolingues bretonnants n'est que de 50 % environ.
Le dépouillement des liasses de procédures judiciaires confirme ces résultats : en 1811-12, 70 % des comparants en justice ont besoin de faire appel à l'interprète. En 1843, le pourcentage est tombé à 60 %. Vingt ans plus tard, il est de 56 %, et il restera à ce niveau jusqu'à la fin du siècle.
En fait, ce qu'il importe de retenir, c'est que, jusqu'en 1870, aux exceptions urbaines près, le breton est la langue qu'on parle en Basse-Bretagne. On l'imprime aussi et on la lit. Elle n'est pas exclue de l'enseignement — nous le verrons. Mais c'est le français qui est la langue officielle et celle de l'administration. C'est d'ailleurs ce qui avait frappé Michelet à Lanleff et dans les villes de Basse-Bretagne : à l'exception de celles des bureaux de tabac, les enseignes n'y étaient pas rédigées en breton, même les inscriptions sur les tombes étaient en français…
Notes
[1] Yannick GUIN. Histoire de la Bretagne de 1789 à nos jours. Contribution à une critique de l'idéologie nationaliste. Paris : Maspéro, 1977, p. 136-137
[2] Id, p. 14.
[3] Jean MEYER. Une mutation manquée, op. cit., p. 394.
[4] Y. GUIN. Histoire de la Bretagne, op. cit., p. 103.
[5] Yves LE GALLO. Basse-Bretagne et Bas-Bretons (1800-1870). In : Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne, op. cit., p. 165.
[6] Jean MEYER. Une mutation manquée…, op. cit., p. 424-425.
[7] Jean MEYER. Une mutation manquée…, op. cit., p. 398-399.
[8] Des migrations internes ont également lieu, par exemple de la Basse-Bretagne vers Nantes : selon le docteur Derimas, « des familles entières de la Basse-Bretagne, cette Irlande française, chaque année, arrivent à Nantes par bandes nombreuses ». Cité par : COMMISSION "HISTOIRE" DE SKOL VREIZH. Histoire de la Bretagne et des pays celtiques, de 1789 à 1914. Morlaix : Skol Vreizh, 1980, p. 104.
[9] Sur quatre départements. Voir supra, chapitre 2.1.3.
[10] Jean MEYER. Une mutation manquée…, op. cit., p. 420.
[11] Id, p. 413.
[12] Id, p. 408.
[13] Cité par : Yves LE GALLO. Basse-Bretagne et Bas-Bretons (1800-1870). In : Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne, op. cit., tome II, p. 164.
[14] A.G. HAMON. Lettres sur le chemin de fer de Paris vers l'ouest et le nord-ouest à travers le Maine. Le Mans : Fleuriot, 1842, p. 31-82. Cité par : COMMISSION "HISTOIRE" DE SKOL VREIZH. Histoire de la Bretagne…, op. cit., p. 67. Après 1850, Hamon sera conseiller général de la Sarthe et conseiller municipal du Mans.
[15] Cité, d'après "La Bretagne contemporaine", tome I, par : Yves LE GALLO. Basse-Bretagne et Bas-Bretons, op. cit., p. 171.
[16] Yves LE GALLO. Basse-Bretagne et Bas-Bretons, op. cit., p. 143-145.
[17] Cité par : Claude LANGLOIS. Le diocèse de Vannes…, op. cit., p. 98.
[18] Annuaire des Côtes-du-Nord pour l'an XIII. Saint-Brieuc : Prud'homme, an XIII (1805), p. 36.
[19] Yves LE GALLO. Prêtres et prélats du diocèse de Quimper de la fin du XVIIIe siècle à 1830. Brest : auteur, 1980, p. 31.
[20] Auguste ROMIEU. La Basse-Bretagne. La Chouannerie. REVUE DE PARIS, tome XXX, 1831. Cité par : Louis LE GUILLOU. Images littéraires de la Bretagne au XIXe siècle. In : Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne…, op. cit., tome II, p. 11.
[21] Marie-Thérèse CLOITRE-QUERE. Brest et la mer. 1848-1874. Brest : Centre de Recherche bretonne et celtique, 1992. P. 50.
[22] Jules SIMON. Premières années, p. 16-17. Cité par : François MORVANNOU. Aspects de la littérature bretonne vannetaise dans la première moitié du XIXe siècle. Rennes : auteur, 1980, p. 51.
[23] Cité par : Yves LE GALLO. Basse-Bretagne et Bas-Bretons, op. cit., p. 147.
[24] Cité par : Eugène BEREST. La Bretagne dans le Tableau de la France de Michelet. In : Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne, op. cit., p. 202.
[
25] « Sachez qu'il y a quatre manières de conjuguer un verbe breton (…) plus une cinquième au moyen du verbe auxiliaire ober faire (…), plus, qu'il y a quatre dialectes différents (…) ci… 4*4*4=64. Apprenez ensuite le breton si le cœur vous en dit ». Cité par : Eugène BEREST. Les voyageurs français en Bretagne. In : Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne, op. cit., p. 204.
[26] Il n'y a pas que Mérimée à avoir ainsi voyagé en Basse-Bretagne en emportant un interprète dans ses bagages. Bachelot de la Pylaie l'a fait également, ainsi que Villermé et Benoiston de Chateauneuf. Ce qui, en soi, est déjà significatif.
[27] Eugène BEREST. Les voyageurs français en Bretagne. In : Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne, op. cit., p. 208.
[28] BENOISTON DE CHATEAUNEUF et VILLERME. Rapport d'un voyage fait dans les cinq départements de la Bretagne pendant les années 1840 et 1841 / publié par F. Elegoet. TUD HA BRO-SOCIETES BRETONNES, n° 8, 1982, p. 12.
[29] Eugène BEREST. Les voyageurs français en Bretagne. In : Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne, op. cit., p. 211-218.
[30] Cité par : Yves LE GALLO. Prêtres et prélats du diocèse de Quimper de la fin du XVIIIe siècle à 1830. Brest : auteur, 1980, p. 13.
[31] Cité par : F. BRUNOT. Histoire de la langue française…, op. cit., p. 496.
[32] M. HABASQUE. Notions historiques…, op. cit., p. 111.
[33] J.F. BROUSMICHE. Voyage dans le Finistère en 1839, 1830, 1831. Tome second. QUIMPER : Morvran, 1977, p. 228.
[34] Rapporté par Yves Le Gallo : Y. LE GALLO. Basse-Bretagne et Bas-Bretons…, op. cit., p. 147.
[35] Cité par : Daniel BERNARD. La langue bretonne à l'école primaire. S.l. : s.n., s.d., p. 3-5.
[36] Cité par : Yves LE GALLO. Prêtres et prélats du diocèse de Quimper de la fin du XVIIIe siècle à 1830. Brest : auteur, 1980, p. 18.
[37] Yves LE GALLO. Basse-Bretagne et Bas-bretons…, op. cit., p. 148. Il faut admettre cependant que, stricto sensu, le fait d'être analphabète n'implique pas qu'on ne sache pas parler le français. Auguste Romieu, sous-préfet de Quimperlé en 1831, reprend textuellement l'Annuaire de l'an XII, dans son article de la "Revue de Paris". Voir le chapitre sur l’école, note 18.
[38] Yves LE GALLO. Basse-Bretagne et Bas-bretons…, op. cit., op. cit., p. 148-149.
[39] Édouard VALLIN. Voyage en Bretagne. Finistère. 1859. Cité par : Yves LE GALLO. Études sur la marine et l'officier de marine. Brest et sa bourgeoisie sous la Monarchie de Juillet. Quimper : Imp. Cornouaillaise, 1968, p. 39. Les citations suivantes sont extraites des pages 43-45.
[40] L'Orion est le navire-école, autrement dit l'École Navale.
[41] Contrôle de Brest 1845-1880. 3e partie, p. 2. Archives départementales du Finistère, 2 P. Cité par : Marie-Thérèse CLOITRE-QUERE. Brest et la mer. 1848-1874. Brest : Centre de Recherche bretonne et celtique, 1992. P. 19.
[42] Yves LE GALLO. Basse-Bretagne et Bas-Bretons, op. cit., p. 149.
[43] Cité par : Yves LE GALLO. Clergé, religion et société en Basse-Bretagne, de la fin de l'Ancien Régime à 1840. Paris : Les Ed. Ouvrières, 1991, p. 61-63.
« Itentique ora tenebanté » peut se traduire par : ils demeuraient bouche bée.
[44] Cité par : F. MORVANNOU. Aspects de la littérature bretonne vannetaise…, op. cit., p. 42.
[45] Voir le chapitre sur Gaultier du Mottay.
[46] Rapport de l'Inspecteur Primaire de Quimper, 31 octobre 1863. Archives départementales du Finistère, 1T68.
[47] Yves LE GALLO. Études sur la marine…, op. cit., p. 56-58.
[48] Cité par : Yves LE GALLO. Basse-Bretagne et Bas-Bretons, op. cit., p. 150.
[49] M. HABASQUE. Notions historiques…, op. cit., p. 110.
[50] Id, p. 113.
[51] Rapport de l'Inspecteur d'Académie de Vannes au Recteur de l'Académie de Rennes, 29 octobre 1863. Archives départementales du Morbihan, T 567.
[52] M. HABASQUE. Notions historiques…, op. cit., p. 115.
[53] J.F. BROUSMICHE. Voyage dans le Finistère en 1829, 1830 et 1831. Quimper : Morvran, 1977, p. 47.
[54] "Les Bas-Bretons qui commencent à parler le français ne manquent jamais de dire un garçon, un fille, le beau jument, le beau cheval". Id, p. 115.
[55] Christian-J. GUYONVARC'H. Dictionnaire étymologique du breton ancien, moyen et moderne. Rennes : Ogham, 1973, Fasc. 1, p. 53.
[56] Jules SIMON. Premières années, op. cit., p. 17. Cité par : F. MORVANNOU. Aspects de la littérature bretonne vannetaise…, op. cit., p. 53.
[57] Dr L. DUJARDIN. La vie et les œuvres de Le Gonidec, grammairien et lexicographe breton / Préface de Pierre Le Roux. Brest : Imp. Commerciale, 1949, p. 261.
[58] Jean BALCOU. Ernest Renan l'hérésiarque. In : Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne, op. cit., p. 52-58. Cette étude fait le point sur Renan, ce que représentent pour lui Tréguier, le peuple breton, la Bretagne, etc.
[59] Jean BALCOU. Ernest Renan et la langue bretonne. LA BRETAGNE LINGUISTIQUE, n° 6, 1992, p 69-78.
[60] Cité par : F. BRUNOT. Histoire de la langue française…, op. cit., p. 496.
[61] Cité par : Claude LANGLOIS. Le diocèse de Vannes…, op. cit., p. 172.
Le nouveau diocèse de Vannes, avec ses parties cornouaillaise, pourlet…, n'apparaît donc pas aussi homogène, linguistiquement, qu'on le dit. Alors que le Morbihan compte au milieu du XIXe siècle 300 000 bretonnants, F. Morvannou évalue alors les Cornouaillais de ce département à 24 000 et les habitants du pays pourlet à 36 000. F. MORVANNOU. Aspects de la littérature bretonne vannetaise…, op. cit., p. 49.
[62] Cité par : C. LANGLOIS. Le diocèse de Vannes…, op. cit., p. 144.
[63] C. LANGLOIS. Le diocèse de Vannes…, op. cit., p. 545-546. D'après : P. LE GOFF. Les mystères bretons. REVUE MORBIHANNAISE, 1911.
[64] C. LANGLOIS. Le diocèse de Vannes…, op. cit., p. 427-432.
[65] Jean LE DU, Yves LE BERRE. Un siècle d'écrits en langue bretonne : 1790-1892. In : Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne, op. cit., p. 253.
[66] Jean LE DU, Yves LE BERRE. Un siècle d'écrits en langue bretonne…, op. cit., p. 252.
[67] Yves LE BERRE. Essai de définition et de caractérisation de la littérature de langue bretonne (livres et brochures) entre 1790 et 1918. Brest : auteur, 1982, p. 707.
[68] Il y avait, en outre, des chroniques ou des pages en breton dans de nombreux autres périodiques, en particulier les hebdomadaires d'arrondissement.
[69] Donatien LAURENT. Savoir et mémoire du peuple. Introduction. In : Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne…, op. cit., p. 247.
[70] Y aurait-il quelque rapprochement supplémentaire à faire entre la date de parution du "Barzaz Breiz", en plein milieu de la Monarchie de Juillet, et le fait précisément que ce régime de Louis-Philippe ait été, selon les termes d'Yves Le Gallo, "d'importance capitale pour la Basse-Bretagne et son image", en ce sens qu'il a mis la "bretonnerie" au goût du jour ?
Toujours est-il que la collecte de chants populaires était dans l'air du temps. Les précurseurs de La Villemarqué sont connus : l'abbé de La Rue, Aymar de Blois, Mme de Saint-Prix, J.M. de Penguern, etc… Les pouvoirs publics eux-mêmes s'y intéressaient : en témoigne la demande effectuée en 1808 par le ministre de l'Intérieur à Le Gonidec, à laquelle il ne put répondre grand-chose.
M. Habasque, pour sa part, avait écrit en 1832 que "la partie brillante de la littérature bretonne, c'est la chanson. Il y en a de charmantes, et je m'étonne qu'aucun homme de goût n'ait encore songé à les réunir (…) Parmi les chansons (…) on trouverait des balades, qui remontent à la plus haute antiquité, et où l'on puiserait des détails précieux sur les mœurs et les usages des Bretons, à toutes les époques; détails d'autant plus intéressans, que cette partie de notre histoire est encore à créer, comme l'a très bien démontré, naguère encore, l'ouvrage d'ailleurs estimable de M. Daru". On croirait lire le programme du « Barzaz Breiz »…
Yves LE GALLO. Basse-Bretagne et Bas-Bretons…, op. cit., p. 166.
Donatien LAURENT. Le temps des précurseurs. In : Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne…, op. cit., p. 334-343.
M. HABASQUE. Notions historiques…, op. cit., p. 118-119.
[71] Donatien LAURENT. Savoir et mémoire du peuple. Introduction…, op. cit., p. 249.
[72] KERVAKER. Barzhaz Breizh. Lesneven : Hor Yezh, 1988, 454 p.
[73] J.F. LE GONIDEC. Grammaire celto-bretonne. Paris, 1807, p. XI.
[74] Jean-Yves GUIOMAR. Les historiens bretons et la langue bretonne au XIXe siècle. LA BRETAGNE LINGUISTIQUE, n° 1, 1985, p. 99-102.
[75] Cité par : Bernard TANGUY. Aux origines du nationalisme breton. Paris : UGE, 1977, p. 135.
[76] Cité par : Bernard TANGUY. Des celtomanes aux bretonistes : les idées et les hommes. In : Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne…, op. cit., p. 322. Cet article de B. Tanguy et son ouvrage précédemment cité sur les origines du nationalisme breton font parfaitement le point sur ce dossier.
[77] Yves LE BERRE. La littérature bretonne. Rennes : CNEC, 1983. Cours III, série 4, p. 27.
[78] F. BRUNOT. Histoire de la langue française…, op. cit., p. 479.
[79] Id, p. 423.
[80] Id, p. 486.
[81] Yves LE GALLO. Basse-Bretagne et Bas-Bretons, op. cit., p. 165.
[82] Cité par : Yves LE GALLO. Basse-Bretagne et Bas-Bretons, op. cit., p. 166.
[83] Daniel BERNARD. La langue bretonne à l'école primaire. S.l. : s.n., s.d. P. 9.
Yves Le Gallo reproduit les considérants du Préfet : « il importe à tous les citoyens de connaître leurs droits et leurs devoirs politiques, et surtout de ne point ignorer les bienfaits de (la) glorieuse révolution de Juillet ». Yves LE GALLO. Prêtres et prélats…, op. cit., p. 28.
[84] Lettre du Ministère du Commerce au Préfet du Finistère, 12 juin 1835. Archives départementales du Finistère, 1T68.
[85] Voir par ailleurs le chapitre Coquebert de Monbret.
[86] Dr L. DUJARDIN. La vie et les œuvres de Le Gonidec…, op. cit., p. 258.
[87] M. HABASQUE. Notions historiques…, op. cit., p. 114.
[88] Voir par ailleurs le chapitre sur le XVIIIe siècle.
[89] Dans le cadre de la limite Sébillot, qui n'est pas exactement la même que celle de Coquebert.
[90] Nous ne méconnaissons pas que les résultats des recensements, au début du siècle, ne sont pas totalement fiables. Mais ce qui importe ici pour notre propos est de saisir les ordres de grandeur.
[91] Voir, ailleurs, le chapitre Gaultier du Mottay.
[92] Voir, ailleurs, le chapitre sur l’enquête de 1831.
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